S’ils sont très souvent cités par de nombreux thérapeutes manuels comme étant partie intégrante de leur pratique (ils existent même des fasciathérapeutes), la situation anatomique des fasciae, leur rôle et donc leur intérêt dans le processus thérapeutique reste assez méconnu par la majorité des patients. Il y a parfois même un côté un peu mystérieux, si ce n’est magique dans la description que l’on en fait. Pourtant il s’agit de tissus bien réels, dont les propriétés et les rôles ont effectivement une importance fondamentale dans bien des motifs de consultation.
Définition d'un fascia
De manière très générale, le terme fascia désigne le tissu conjonctif, c’est-à-dire le tissu qui relie les différents éléments de l’organisme entre eux (muscles, tendons, os, organes viscéraux, peau…). En anglais on parle d’ailleurs de « connective tissu », terme plus évocateur de ce que sont effectivement les fascias. Il s’agit donc très grossièrement du tissu de « remplissage » des espaces « vides » de l’organisme.
Les différents fasciae du corps
Du point de vue fonctionnel, il n’existe d’ailleurs non pas un seul mais une multitude de fascias différents, certains dont les noms sont assez connus même si on ignore bien souvent qu’il s’agit effectivement de fascias. On peut citer
- Le péritoine qui maintient et protège l’ensemble des organes viscéraux (en cause notamment dans la péritonite, complication classique d’une crise d’appendicite non prise en charge),
- Les méninges qui protègent notre système nerveux central (cerveau et moelle épinière),
- Le périoste qui correspond à la couche la plus externe de l'os
- Les aponévroses qui sont la petite couche translucide autour des muscles. Lorsque vous mangez un steak parfois, il est difficile de couper une petite membrane transparente, c'est une aponévrose, un fascia.
- La plèvre qui entoure les poumons
- Le péricarde qui est le petit sac de tissu conjonctif qui entoure le coeur.
Composition des fasciae
D’une composition au départ relativement similaire (ils ont la même origine embryologique), les différents fascias s’individualisent et s’organisent différemment avec le temps et en fonction de leur situation anatomique et des contraintes auxquelles ils sont soumis. Ce qui en fait des structures fondamentales en raison de leur importance quantitative et de leurs leurs propriétés mécaniques.
Le tissu conjonctif (et donc les fascias) représente les deux tiers du volume total du corps, ainsi qu’un quart de l’eau de notre organisme (soit environ 20% du poids du corps).
Ils sont donc majoritairement composés d’eau, d’une proportion variable de tissu graisseux et de cellules appelées fibroblastes dont le rôle (de manière très basique) est de maintenir la forme du tissu, de lui donner une cohérence. On pourrait presque dire que sans fibroblastes nous ne serions qu’une flaque d’eau.
Rôles des fasciae
En mettant ainsi en continuité l’ensemble des éléments anatomiques qui nous constituent, les fascias constituent en quelque sorte la « colle » qui nous maintient, tout en étant suffisamment élastique pour nous permettre de faire face au quotidien et à ses multiples contraintes (chutes, chocs, mouvements répétitifs…) De plus, de part leur omniprésence dans l’organisme les fascias sont également responsables du transport et de la protection du système vasculaire et donc de la bonne « nutrition » de l’ensemble de l’organisme.
Comment les fasciae fonctionnent-ils ?
Il a, par ailleurs, été mis en évidence une « hyper-réactivité » des fascias aux stimuli mécaniques. En mouvement continuel (observable à l’œil nu et décrit notamment par de nombreux chirurgiens), les fascias se figent totalement lorsqu’on leur applique un contact et le mouvement reprend dès lors que la contrainte est levée.
« On peut voir les fascias à la surface des muscles bouger. On peut voir ce mouvement propre. C’est bien le fascia qui bouge, pas le muscle […] Tant qu’on est dans la dissection, il ne se passe rien, vous posez tout, vous attendez 5 à 10 minutes, vous voyez le mouvement apparaître. Le fait de le traumatiser doit figer les choses. Il faut attendre un certain temps pour que le mouvement réapparaisse, je ne sais pas à quoi c’est dû. »
Dr Jean-Marc Claise, chirurgien de la main
Voici une vidéo du Docteur Guimberteau intitulée "Promenade sous la peau" qui met en évidence les fasciae sur du tissu vivant :
Ostéopathie et les fasciae
C’est cette caractéristique et cette capacité du tissu fascial à « répondre » à une stimulation mécanique qui en fait un outil fondamental pour votre ostéopathe. D’une part parce que grâce à ces capacités les fascias peuvent garder en mémoire un traumatisme important, même très ancien. C’est dans l’altération du mouvement fascial que le praticien peut percevoir une anomalie juste en posant ses mains (avec un contact très léger puisqu’il ne s’agit pas de « faire taire » le fascia en question). D’autre part une fois cette anomalie identifiée c’est très souvent par le rétablissement d’un mouvement équilibré des fascias que l’effet thérapeutique se produit ensuite.
L’effet peut être immédiat dans le cas de travail sur des aponévroses musculaires par exemple ou se faire sentir plus à distance de la consultation lorsque le travail se fait plus en amont de la zone douloureuse. Certains travaux ont même mis en évidence que l’état de compression ou d’étirement d’un tissu pouvait changer son fonctionnement en ayant une influence sur l’expression des gènes des cellules constituant ce tissu. Ainsi un organe ou un muscle dont le fascia sera comprimé ou étiré ne pourra pas fonctionner de manière efficiente. C’est pour ça que les fascias sont primordiaux dans la compréhension et le traitement d’un symptôme douloureux, tout cela s’explique très bien.
Les causes de troubles des fasciae
Enfin, la façon dont l’architecture d’un tissu influe sur son fonctionnement se retrouve dans ce que l’on appelle l’épigénétique, qui met en évidence que non seulement l’état de compression ou d’étirement d’une cellule influe sur son expression génique (et donc sur sa fonction) mais également que les facteurs environnementaux (fatigue, stress, alimentation, manque de sommeil…) pouvaient avoir le même effet. C’est passionnant, mais c’est une autre histoire…
Damien Fabre
Ostéopathe à Versailles
78 - Yvelines